Chronique avril 2022-3 : Droit des sociétés

DROIT DES SOCIETES : LA SPAC, QU’EST-CE DONC ?

Cet acronyme apparaît de plus en plus souvent dans des articles, et plus seulement dans la presse spécialisée. Que se cache-t-il derrière ces lettres majuscules bien mystérieuses ?

Une SPAC (« Special Purpose Acquisition company ») est une société qui n’a pas immédiatement d’activité opérationnelle et qui est constituée en vue de lever des fonds (capitaux et/ou dette), d’être cotée en bourse puis, postérieurement à cette cotation, d’acquérir une ou plusieurs autres sociétés qui, elles, ne sont pas cotées en bourse. La finalité est ensuite de fusionner la SPAC et la ou les société(s) acquise(s) afin que cette ou ces dernière(s) soi(en)t, au final, cotée(s) en bourse.

C’est donc une voie alternative (à l’IPO – ou introduction en bourse classique) de cotation en bourse, en deux temps, d’une société.

Cette forme de cotation indirecte est – comme souvent – d’origine américaine, et date du début des années 1990. Elle a – comme souvent aussi ! – mis quelques années à traverser l’Atlantique. La première SPAC française fut la société Mediawan, créée fin 2015 notamment par les serials entrepreneurs Xavier Niel et Matthieu Pigasse, en vue de constituer un groupe audiovisuel grâce au rachat de structures existantes.

Une particularité : les fondateurs souscrivent généralement des actions de préférence leur permettant de conserver une part importante des droits de vote même s’ils ne conservent, au terme des levées de fonds, qu’une part (très) minoritaire du capital.

Depuis, le nombre de SPACs a considérablement augmenté, faisant de cette technique une voie presque désormais classique d’introduction en bourse de sociétés ou groupes non coté(e)s.

La dernière en date est DDE Tech, lancée par des anciens de Vente Privée, qui a levé 165 millions d’euros de fonds en juin 2021 et a annoncé, en cette fin novembre, acquérir le livreur Colis Privé, lequel sera donc, dans quelques mois, fusionné avec DDE Tech et donc coté en bourse…



Chronique avril 2022-2 : Droit des contrats

DROIT DES CONTRATS : LA VIOLENCE ECONOMIQUE EST UNE CAUSE DE NULLITE DU CONTRAT

Lorsqu’un contrat est affecté par un vice du consentement, le juge doit prononcer la nullité du contrat ainsi vicié. On rappelle que la loi (article 1130 du Code civil) prévoit trois vices du consentement : l’erreur (lorsqu’elle porte sur la substance), le dol (manoeuvres supposant l’intention de tromper, ou silence gardé dans cette intention) et la violence. Ces trois vices du consentement sont une cause de nullité s’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

La violence peut être physique ou morale (c’est l’approche la plus ancienne), mais également économique depuis l’ordonnance du 10 février 2016 qui a réformé le droit des obligations et a ajouté un nouvel article 1143 qui dispose qu’il y a également violence « lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».

Il est rare de voir en jurisprudence des exemples de contrats annulés pour violence, qui plus est pour violence économique. L’arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 9 décembre 2021 mérite donc, à cet égard, d’être signalé.

Un avocat avait conclu, avec l’AGS, dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, une convention d’honoraires pour défendre ses intérêts dans 795 dossiers. Dessaisi en appel, l’avocat saisit son bâtonnier pour fixer ses honoraires. Le bâtonnier annule la convention d’honoraires conclu avec le client fixant les honoraires à 90.000 € et les porte à 350.000 €.

La Cout de cassation valide cette solution, estimant que l’avocat étant en état de dépendance économique vis-à-vis de son client, l’AGS en avait tiré un avantage excessif et négocié des honoraires trop faibles au regard du travail nécessaire.

Cet arrêt a le mérite de placer les cabinets d’avocats au cœur de la réalité économique et de ces contraintes de rentabilité comme tout acteur économique.

Un avocat victime d’un abus de dépendance économique… qui l’eût cru ?



Chronique avril 2022 : Droit des sociétés

DROIT DES SOCIETES : L’usufruitier : un statut juridique précisé… mais encore imprécis.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un avis rendu le 1er décembre 2021 (sur demande de la 3ème chambre civile et sur le fondement des dispositions de l’article 1015-1 du Code de procédure civile, lesquelles permettent à une chambre de la Cour suprême de solliciter l’avis d’une autre lorsqu’une question de droit relève de la compétence de cette dernière) prend, pour la première fois, position sur le fait de savoir si l’usufruitier a ou non la qualité d’associé.

En effet, les juges ont affirmé à plusieurs reprises que le nu-propriétaire a la qualité d’associé, mais ne se sont jamais expressément prononcés sur le fait de savoir si l’usufruitier pouvait ou non se voir reconnaître ce statut (les décisions rendues semblaient jusqu’alors dénier, mais seulement de manière implicite, ce statut à l’usufruitier).

Selon l’article 578 du Code civil, l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à charge d’en conserver la substance. L’usufruitier jouit donc de pouvoirs attachés au statut d’associé : droit de participer aux décisions collectives (qui lui a été reconnu par la loi du 19 juillet 2019), droit à l’information, droit de poser des questions aux dirigeants, droit de demander au juge la révocation d’un dirigeant ou la nomination d’un expert de gestion.

Mais il ne peut se voir demander de rembourser les dettes sociales (dans une société à risques illimités), ni être pris en compte dans le décompte des associés (pour savoir si le minimum légal est atteint, dans une société civile ou une SA par exemple).

La chambre commerciale de la Cour de cassation affirme que l’usufruitier ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire. C’est clair, et c’est une première.

Mais, et c’est la problématique posée par cet avis, elle précise, afin de tempérer cette position, que l’usufruitier doit pouvoir provoquer une délibération des associés « sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance », à savoir sur les conditions dans lesquelles l’usufruitier peut jouir de ses prérogatives.

Le cas d’espèce résume l’hésitation provoquée par cette formule imprécise : l’usufruitier se voit reconnaître le droit de convoquer les associés pour les faire statuer sur une révocation du gérant, mais à la condition que cette révocation ait une incidence directe sur son droit de jouissance… Or il est en pratique assez difficile d’identifier les cas dans lesquels une telle décision de révocation peut avoir un impact sur les prérogatives de l’usufruitier.

Il faudra donc, dans chaque situation, se poser la question de savoir si un sujet peut ou non avoir une telle incidence, sans pouvoir se baser sur un critère fiable et objectif, et en restant suspendu, le cas échéant, à la réponse que pourra apporter le juge saisi de l’affaire en cause. On a connu situation plus rassurante…..

 



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