Chronique avril 2022 : Droit des sociétés

DROIT DES SOCIETES : L’usufruitier : un statut juridique précisé… mais encore imprécis.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un avis rendu le 1er décembre 2021 (sur demande de la 3ème chambre civile et sur le fondement des dispositions de l’article 1015-1 du Code de procédure civile, lesquelles permettent à une chambre de la Cour suprême de solliciter l’avis d’une autre lorsqu’une question de droit relève de la compétence de cette dernière) prend, pour la première fois, position sur le fait de savoir si l’usufruitier a ou non la qualité d’associé.

En effet, les juges ont affirmé à plusieurs reprises que le nu-propriétaire a la qualité d’associé, mais ne se sont jamais expressément prononcés sur le fait de savoir si l’usufruitier pouvait ou non se voir reconnaître ce statut (les décisions rendues semblaient jusqu’alors dénier, mais seulement de manière implicite, ce statut à l’usufruitier).

Selon l’article 578 du Code civil, l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à charge d’en conserver la substance. L’usufruitier jouit donc de pouvoirs attachés au statut d’associé : droit de participer aux décisions collectives (qui lui a été reconnu par la loi du 19 juillet 2019), droit à l’information, droit de poser des questions aux dirigeants, droit de demander au juge la révocation d’un dirigeant ou la nomination d’un expert de gestion.

Mais il ne peut se voir demander de rembourser les dettes sociales (dans une société à risques illimités), ni être pris en compte dans le décompte des associés (pour savoir si le minimum légal est atteint, dans une société civile ou une SA par exemple).

La chambre commerciale de la Cour de cassation affirme que l’usufruitier ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire. C’est clair, et c’est une première.

Mais, et c’est la problématique posée par cet avis, elle précise, afin de tempérer cette position, que l’usufruitier doit pouvoir provoquer une délibération des associés « sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance », à savoir sur les conditions dans lesquelles l’usufruitier peut jouir de ses prérogatives.

Le cas d’espèce résume l’hésitation provoquée par cette formule imprécise : l’usufruitier se voit reconnaître le droit de convoquer les associés pour les faire statuer sur une révocation du gérant, mais à la condition que cette révocation ait une incidence directe sur son droit de jouissance… Or il est en pratique assez difficile d’identifier les cas dans lesquels une telle décision de révocation peut avoir un impact sur les prérogatives de l’usufruitier.

Il faudra donc, dans chaque situation, se poser la question de savoir si un sujet peut ou non avoir une telle incidence, sans pouvoir se baser sur un critère fiable et objectif, et en restant suspendu, le cas échéant, à la réponse que pourra apporter le juge saisi de l’affaire en cause. On a connu situation plus rassurante…..

 



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